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BIBLIOBS: Le Tour de France, cette invention d'écrivains

 

Si vous aimez écouter Jean-Louis Ezine,  dans sa chronique matinale sur France Inter, vous allez vous régaler en le lisant. Si vous ne le connaissez pas... attention au coup de foudre et à la dépendance qui en suivra... 

A consommer sans modération !

 

http://bibliobs.nouvelobs.com/actualites/20130614.OBS3334/le-tour-de-france-cette-invention-d-ecrivains.html

 

Extrait:

La déception de Roland Barthes

Le Tour adore ajouter la douleur et la supplique à l'amour qu'on lui porte et, à chaque époque de sa séculaire histoire, a toujours eu le génie, pour animer le chœur des martyrs, de se choisir un cantor tenaillé par le manque. Roland Barthes en a ainsi respiré l'odeur épique à la porte de Louison Bobet, qu'il tenta en vain de forcer, un soir à Avignon, dans les années 1950. Le champion français venait de triompher du mont Ventoux, où ne s'étaient guère illustrés jusque-là que le poète Pétrarque et le naturaliste Jean-Henri Fabre, lequel en avait fait vingt-cinq ascensions à seule fin d'identifier une poignée d'herbes rares et quelques cailloux parfaitement chauves.

Il sembla à Roland Barthes, alors au degré zéro de sa notoriété, que Bobet, dans ce cirque brûlant et désolé, s'égalait à un héros prométhéen, autant dire à un dieu. Et le commerce avec les dieux est le métier des écrivains. Hélas, ce dieu-là avait un frère et coéquipier qui veillait au grain et fit barrage à l'envahisseur devant la chambre, le tenant à distance et le condamnant à n'interpréter que des signes. Le sémiologue est né d'une attente déçue, et c'est au Tour de France qu'on le doit. «Sur le Ventoux, écrira, sans rien révéler de la scène, le brillant herméneute dans son recueil de «Mythologies», on a déjà quitté la planète Terre, on voisine là avec des astres inconnus.»


21/06/2013
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